Rencontre avec la relève féminine de l’humour

27 décembre 2022 – « Nina Cachelin, Julie Conti et Vanessa Lépine se sont lancées il y a peu, préparent leur tout premier spectacle et encouragent les femmes humoristes à débuter sur scène. Par Laurène Ischi pour Femina.

Toutes trois viennent d’univers différents, mais partagent pourtant de nombreux points communs: une passion pour la scène, lorsqu’une blague commence à exister au micro, ce bonheur électrique de voir se propager un rire dans une salle, et une admiration sans borne pour la Genevoise Marina Rollman, grande figure de l’humour francophone au féminin.

Nina Cachelin, Julie Conti et Vanessa Lépine font partie de ces femmes comiques (toujours trop rares) qui décollent en Suisse romande. Encore peu connues du grand public, elles célébreront la fin de l’année 2022 au Théâtre du Léman à Genève, lors d’une soirée stand-up qui réunit les sketchs courts d’une quinzaine d’artistes locaux. L’opportunité d’une grande scène pour ces jeunes humoristes.

«On se connaît un peu toutes et tous dans le monde de l’humour romand», glisse Julie Conti, 36 ans. Rassemblées à l’occasion d’une interview, les trois jeunes femmes s’échangent des sourires complices. Elles se sont rencontrées sur des plateaux 100% féminins. Si Julie préférerait la disparition de ces événements genrés, elle admet qu’ils sont encore nécessaires pour mettre en avant les femmes humoristes.

Les femmes aussi sont drôles

Pourtant, de la place pour les femmes, il y en a dans le petit univers du rire romand, selon Vanessa Lépine. Après avoir suivi des cours de stand-up, cette Québécoise de 35 ans, arrivée en Suisse il y a 9 ans, a fondé le Comedy Club 13 à Lausanne, l’un des premiers Open Mic réguliers en Romandie qui accueille toutes celles et ceux qui souhaitent tenter leur chance sur scène. «Tout le monde a le droit de faire entendre sa voix», s’enthousiasme-t-elle.

Pourtant, encore peu de femmes osent se lancer, remarquent les trois comiques. «C’est une question de représentation», avance Julie. Formée dans le théâtre classique et l’improvisation théâtrale, à côté de son job à temps partiel dans l’administration, la Genevoise est enceinte de son deuxième enfant lorsqu’elle se lance dans un stage d’humour au Caustic Comedy Club de Carouge. «Les filles du Caustic m’ont poussée à faire des scènes ouvertes, confie celle qui s’est fait remarquer cet automne lors de l’édition 2022 du Montreux Comedy Festival. Aujourd’hui je pousse à fond les femmes que je croise. Et grâce à la discrimination positive, qui les met volontairement en avant sur scène, il y a de belles opportunités actuellement pour jouer en Suisse romande.»

Pour Nina Cachelin, formatrice en improvisation théâtrale, il faudrait renforcer la confiance des femmes: «Ils m’ont ouvert la porte des plateaux, se souvient cette Genevoise, également titulaire d’un Master en droit. Mais je remarque que les femmes s’encouragent entre elles et qu’elles sont de plus en plus nombreuses à se lancer».

La culture du stand-up est différente au Québec, comme nous l’explique Vanessa Lépine. «Le domaine de l’humour y est beaucoup plus développé qu’en Suisse. Si de nombreuses humoristes canadiennes m’inspirent, les grandes figures sont peu nombreuses ici, car la scène helvétique est encore jeune», ajoute Vanessa. «En Suisse, excepté Marina Rollman, j’aime beaucoup Brigitte Rosset, mais elle fait plutôt du seule-en-scène. Ou alors Marie-Thérèse Porchet: je l’adore», réagit Julie.

Les blagues ont-elles un genre?

Quand Nina, Julie et Vanessa nous confient leurs inspirations et échangent leurs thèmes de prédilection, certains points communs se dessinent, entre le harcèlement de rue, les relations, le dating, le sexe, la maternité, les thérapies, les stéréotypes de genre. Mais quand on leur demande s’il existe un humour féminin, les trois artistes répondent à l’unanimité par la négative.

«Après, si ce que je dis dérange, tant mieux: j’aime la critique et mon but est de faire réagir. Comme je fonctionne beaucoup avec l’ironie, poursuit-elle, je dois travailler mon écriture afin que le second degré soit bien compris.»

De son côté, Nina affirme que des stéréotypes de genre persistent dans le monde du stand-up. «Quand on me présente, juste avant ma prestation, il arrive encore que l’on décrive mon physique plutôt que ma performance. Alors qu’un garçon sera « drôle » ou « talentueux », j’écope des qualificatifs « magnifique » ou « merveilleuse »», regrette l’artiste. «À l’un de mes premiers gros plateaux, on m’a présentée comme « l’atout charme de la soirée », rebondit Julie. Et derrière ça, j’ai sorti un truc hyper trash», rigole-t-elle. Pour Vanessa, l’humour sexiste trouve de moins en moins son public, même s’il existe encore.

«Mais aujourd’hui le public ne suit plus trop, observe la fondatrice du Comedy Club 13. Et la sélection naturelle va faire son œuvre», ajoute-elle.

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