31 août 2023 – Table ronde et campagne par Action Intermittence
Cette table ronde marque le coup d’envoi d’une campagne d’information et de sensibilisation lancée par Action Intermittent-e-s sur les questions liées au statut social des artistes et acteurices culturel·le·x·s. et à la quelle l’Union Romande de l’Humour est associée…
𝟭𝟱 𝘀𝗲𝗽𝘁. 𝟭𝟴𝗵 𝗮̀ 𝟭𝟵𝗵𝟯𝟬 à la 𝗖𝗼𝗺𝗲́𝗱𝗶𝗲 𝗱𝗲 𝗚𝗲𝗻𝗲̀𝘃𝗲 dans le cadre de 𝗟𝗮 𝗕𝗮̂𝘁𝗶𝗲 – 𝗙𝗲𝘀𝘁𝗶𝘃𝗮𝗹 𝗱𝗲 𝗚𝗲𝗻𝗲̀𝘃𝗲
Un petit précis de savoir vivre et autres règles du jeu – traduit également en allemand, italien et romanche – guidera la discussion. Le maître mot : la fin du romantisme.
Qu’il s’agisse du cadre juridique qui régit les rapports de travail ou encore des ressources disponibles à ce sujet, cette table ronde sera également l’occasion de faire un rapide tour d’horizon des enjeux politiques concernant la culture de manière pratique et malicieuse. Tout public, bienvenu !
𝗘𝗡𝗝𝗘𝗨𝗫
𝗛𝗜𝗦𝗧𝗢𝗜𝗥𝗘 𝗘𝗧 𝗣𝗥𝗜𝗦𝗘 𝗗𝗘 𝗖𝗢𝗡𝗦𝗖𝗜𝗘𝗡𝗖𝗘
Depuis les années 1980, la culture, son accessibilité et son rayonnement ont permis le développement d’un secteur d’activité puissant avec un foisonnement d’artistes sur nos scènes en Suisse et à l’étranger. La culture engendre une richesse économique importante pour notre pays. Elle est un vecteur d’emplois diversifiés et source de biens collectifs.
Malgré une offre culturelle florissante, la vulnérabilité sociale des acteurices culturel·le·x·s et des artistes est persistante. Ce constat concerne la grande majorité des travailleureuses des arts et de la culture toutes disciplines et pratiques artistiques confondues. Les rémunérations sont insuffisantes et les protections sociales bien souvent inexistantes. L’intermittence n’est pas un choix, mais la conséquence d’un secteur économique qui, bien que dynamique, ne comporte pas d’emplois à plein temps et à durée indéterminée. À l’âge de la retraite, la quasi-totalité des artistes suisses sont au bénéfice de prestations complémentaires, car ces personnes ne peuvent pas obtenir une rente AVS, ni complète ni maximale. Le temps partiel, conjugué le plus souvent avec une fragmentation des périodes de travail, ne permet pas de rentes AVS et LPP suffisantes.
Avec la crise COVID-19, l’extrême précarité des acteurices culturel·le·x·s se révèle de manière spectaculaire. Plusieurs analyses réalisées par les partenaires sociaux démontrent que le revenu réel moyen ne dépasse guère CHF 2’500-3’000.- par mois. Bien que les artistes soient hautement qualifié·e·x·s dans des professions reconnues comme exigeantes, les barèmes de rémunération les plus ambitieux proposent des salaires mensuels avoisinant les CHF 4’500-5’000.-, qui ne tiennent compte ni de l’âge ni de l’expérience de ces professionnel·le·x·s. À savoir que le revenu médian en Suisse dépasse les CHF 7’000.- (OCSTAT 2019). Les rémunérations formulées par les syndicats et organisations professionnelles sont à considérer à la lumière de ces données.
𝗨𝗥𝗚𝗘𝗡𝗧 𝗗’𝗔𝗚𝗜𝗥
Il est urgent d’agir à tous les niveaux, notamment au niveau national, afin de donner aux artistes une véritable place dans notre société, avec des rémunérations leur permettant de vivre de leur travail et d’accéder à des rentes dignes au moment de la retraite.
De nombreux rapports signalent la précarité grandissante des artistes à l’âge de la retraite et particulièrement les femmes qui payent un tribut très lourd. De plus, il est impératif de lutter contre toute forme de harcèlement et de faire respecter une parité dans les postes de pouvoir les mieux rémunérés.
Il s’agit de doter la culture de moyens financiers adaptés, d’engager un plan d’action dynamique et cohérent afin de parer à cette situation inacceptable au moment de la retraite des artistes et des acteurices culturel·le·x·s.
𝗣𝗘𝗧𝗜𝗧 𝗣𝗥𝗘́𝗖𝗜𝗦 𝗗𝗘 𝗦𝗔𝗩𝗢𝗜𝗥-𝗩𝗜𝗩𝗥𝗘 𝗘𝗧 𝗔𝗨𝗧𝗥𝗘𝗦 𝗥𝗘̀𝗚𝗟𝗘𝗦 𝗗𝗨 𝗝𝗘𝗨
Pour toute entreprise et personne active sur le marché du travail : connaître ses droits et devoirs est primordial !
𝗟𝗘𝗦 𝗗𝗘𝗨𝗫 𝗦𝗧𝗔𝗧𝗨𝗧𝗦
Il faut distinguer deux statuts : celui de salarié et celui d’indépendant. Chaque statut donne accès à des droits et comporte des devoirs. Il est possible de travailler en ayant ces deux statuts. Comme les droits varient beaucoup selon le statut, il est important de connaître les critères qui les différencient.
𝗔𝗖𝗧𝗜𝗩𝗜𝗧𝗘́ 𝗦𝗔𝗟𝗔𝗥𝗜𝗘́𝗘
Est considérée comme salariée toute personne qui exécute un travail en position subordonnée, en général pour une durée déterminée ou indéterminée, sans assumer de risque économique. Le contrat de travail est une convention entre l’employeureuse et la personne employée qui s’engage à mettre son temps et sa force de travail à disposition de l’employeureuse en échange d’une rémunération* (art. 319 CO).
Ce contrat fixe la manière dont le travail doit être exécuté, définit des horaires, le lieu de travail, etc. La qualification de contrat de travail est obligatoire lorsque les conditions posées par la loi sont remplies, même si les parties ont voulu conclure un mandat ou si l’employeureuse fait signer un contrat intitulé autrement que “ contrat de travail ”.
De même, le CO contient des règles destinées à protéger la personne salariée. Il n’est pas possible d’y déroger par contrat. Il est donc vivement recommandé, en cas de doute, de consulter le syndicat ou l’organisation professionnelle de votre secteur ou domaine artistique qui vous conseillera.
L’employeureuse a le devoir de verser toutes les cotisations sociales (part de la personne employée et employeuse). Les cotisations sont réparties selon des pourcentages précis entre employeureuse et personne salariée.
𝗔𝗖𝗧𝗜𝗩𝗜𝗧𝗘́ 𝗜𝗡𝗗𝗘́𝗣𝗘𝗡𝗗𝗔𝗡𝗧𝗘
Est considérée comme travailleuse indépendante toute personne qui travaille en son nom propre et à son propre compte, qui est indépendante dans son travail et assume elle-même le risque économique. Obtenir le statut indépendant implique l’affiliation à une caisse de compensation AVS (1er pilier). L’adhésion à une caisse de pension professionnelle (LPP) est recommandée. Ces personnes se chargent de souscrire à une assurance-accident et maladie. Les charges professionnelles peuvent être déductibles des impôts.
𝗟𝗘 𝗠𝗘́𝗟𝗜-𝗠𝗘́𝗟𝗢𝗗𝗥𝗔𝗠𝗘 𝗗𝗘 𝗟𝗔 𝗖𝗨𝗟𝗧𝗨𝗥𝗘
Dans le secteur culturel, les rapports de travail sont rarement formalisés, les contrats sont ponctuels et les changements d’employeureuses fréquents. La réalité économique du secteur, souvent précaire, fait que la frontière entre ces deux statuts est peu claire. Cette situation engendre des risques, pour les employeureuses et les travailleureuses.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – Un contrat écrit avec un cahier des charges est utile quand bien même la loi permet le contrat oral.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – Les droits d’auteurice, droits de production et de cession ainsi que les droits voisins, ça existe.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – Un contrat de travail formalisé avant que le travail effectif ne débute est utile afin d’éviter des malentendus.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – Le contrat de travail lie juridiquement l’employeureuse et la personne engagée. Il implique des obligations pour les deux parties.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – Le contrat de travail salarié implique une relation de subordination avec son employeureuse.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – C’est la nature des relations de travail, soit la manière dont le travail est accompli concrètement et indépendamment du contrat conclu, qui détermine si une personne est salariée. La qualification de contrat de travail est importante, en particulier pour déterminer si le travailleureuse peut prétendre aux prestations de l’assurance-chômage.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – Seule une personne avec un statut indépendant peut émettre une facture.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – L’employeureuse a le devoir – au risque de sanction (travail au noir ou dissimulé) – de salarier une personne si celle-ci n’a pas de statut indépendant.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – Un cachet n’est pas obligatoirement un salaire, mais il peut être requalifié en contrat de travail, malgré la volonté de l’employeureuse. Dans ce cas, ce cachet pourrait être considéré comme un salaire et soumis à l’obligation pour l’employeureuse de retenir des cotisations sociales.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – La rémunération inclut différentes catégories de contreparties financières (salaires, honoraires, défraiements, participations aux coûts des assurances sociales).
𝗩𝗥𝗔𝗜 – Le terme indépendant communément utilisé pour les personnes ou structures qui travaillent hors institution ne doit pas être confondu avec le statut indépendant.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – La responsabilité administrative et financière incombe à l’employeureuse, lorsqu’il y a un contrat de travail.
𝗛𝗢𝗟𝗔𝗟𝗔𝗟𝗔 𝗟𝗔𝗟𝗔𝗟𝗔 ! 𝗝𝗘 𝗡𝗘 𝗦𝗔𝗩𝗔𝗜𝗦 𝗣𝗔𝗦
𝗟𝗘𝗦 𝗔𝗥𝗧𝗜𝗦𝗧𝗘𝗦 𝗘𝗧 𝗟𝗔 𝗥𝗘𝗧𝗥𝗔𝗜𝗧𝗘
L’ensemble du secteur culturel, et en particulier les artistes, est touché de plein fouet par un marché de l’emploi avec des rémunérations ainsi que des protections sociales insuffisantes. Les artistes de tous domaines (personnes salariées intermittentes et/ou indépendantes) travaillent souvent dans plusieurs pays et font face, de manière générale, à de grandes inégalités de traitement. Cette catégorie de la population a affaire, non pas uniquement au temps partiel, mais également à une fragmentation des périodes de travail.
Par conséquent, leur rente ne peut jamais être complète ou maximale.Quant au 2ème pilier (LPP), il est quasi inexistant et les faibles montants capitalisés pour la LPP restent un revenu à déduire des PC. Pour finir, peu d’artistes peuvent cotiser à un 3ème pilier.
Ainsi, après toute une vie dans la précarité, la quasi-totalité des artistes suisses est au bénéfice de prestations complémentaires à l’âge de la retraite, pour autant que ces personnes les demandent. Ou alors, elles doivent poursuivre une activité lucrative, indépendamment de leur état de santé. À noter également que les femmes sont nombreuses dans le domaine culturel et les professions artistiques. Dès l’âge de 45 ans, elles disparaissent progressivement du marché du travail car elles sont de moins en moins engagées dans dans ce secteur d’activité très sélectif.
𝗟𝗘𝗦 𝗣𝗘𝗥𝗦𝗢𝗡𝗡𝗘𝗦 𝗔𝗦𝗦𝗨𝗥𝗘́𝗘𝗦 𝗔̀ 𝗟’𝗔𝗩𝗦 𝗡’𝗢𝗡𝗧 𝗣𝗔𝗦 𝗧𝗢𝗨𝗧𝗘𝗦 𝗟𝗘 𝗗𝗥𝗢𝗜𝗧 𝗔̀ 𝗨𝗡𝗘 𝗥𝗘𝗡𝗧𝗘 𝗔𝗩𝗦 𝗖𝗢𝗠𝗣𝗟𝗘̀𝗧𝗘 𝗘𝗧 𝗠𝗔𝗫𝗜𝗠𝗔𝗟𝗘!
La rente complète dépend de la durée de cotisation. Il faut avoir cotisé 44 ans, sans interruptions, pour les femmes également à partir de 2024.
La rente maximale, à ce jour, est obtenue si la personne a cotisé pendant 44 ans avec un salaire minimum de CHF 85’320.- par an.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – Chaque année manquante conduit à une réduction de la rente d’au moins 1/44 (rente partielle).
𝗩𝗥𝗔𝗜 – Seules les personnes qui versent des cotisations à une caisse de compensation AVS ont droit à une rente.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – Les personnes sans activité lucrative doivent également cotiser.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – Le temps partiel (travail régulier pendant 44 ans à un taux partiel) permet une couverture complète mais pas maximale.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – La fragmentation des périodes de travail implique des interruptions régulières qui ne permettent pas de couverture complète et maximale.
𝗩𝗥𝗔𝗜 – De nombreuses personnes, notamment la majorité des artistes, démarchent aux prestations complémentaires à l’âge de la retraite.
Campagne de sensibilisation par ACTION INTERMITTENCE avec le soutien de l’Office fédéral de la culture et de la République et du canton de Genève.
Illustrations : MIX & REMIX avec l’aimable autorisation de Dominique Becquelin